La force de la coutume
Les « êtres humains » de la Nouvelle-Calédonie
Le peuple kanak, est une population autochtone mélanésienne installée sur quelques bouts de terre émergés du Pacifique Sud, en Nouvelle-Calédonie, à l’est de l’Australie. Le mot « Kanak » vient de l’hawaïen « kanaka », qui peut se traduire par « homme », « être humain » ou encore « homme libre ». Venus de Bornéo et des Philippines en 1500 avant J.-C., les Kanaks sont aujourd’hui majoritaires dans la province Nord (72,2 %) de la Grande Terre, île principale de l’archipel, ainsi que dans la province des îles Loyauté (94,6 %), Lifou, Maré et Ouvéa. Malgré la modernisation de la société, la culture kanak traditionnelle est toujours très présente et très respectée en Nouvelle-Calédonie. Une culture plurielle pour un peuple « un et indivisible », au sein duquel on parle pourtant 28 langues différentes et on se divise en 330 chefferies.
Quand nature rime avec culture
Face à l’enjeu essentiel que représente la préservation des écosystèmes, la Nouvelle-Calédonie joue les fers de lance dans la zone Pacifique, portée par une population métissée éminemment concernée par la protection de sa terre et de son océan. Les liens qui unissent les habitants de la Nouvelle-Calédonie et la nature sont puissants : le mot « nature » n’existe pas dans les langues kanaks. Elle se fond et se confond avec « culture », s’étend de la montagne à la rivière, jusqu’au récif et au-delà, au monde invisible.
La « coutume », liant traditionnel d’un peuple multiple et indivisible
Omniprésente et force de loi pour les Kanaks, la coutume constitue le fondement du lien social mélanésien. C’est le passeport indispensable pour comprendre la culture kanak. Par « coutume », on entend l’ensemble des règles non écrites qui régissent l’équilibre social des Néo-Calédoniens autochtones, véritable « droit coutumier », parallèle au droit français. Ainsi ces règles rythment-elles les étapes de l’existence (naissance, mariage, deuil, alliances, récoltes…), définissent les devoirs et les obligations vis-à-vis de la communauté, dictent la place de chacun, le respect des anciens ainsi que le lien à la terre et au sacré.
Une terre sacrée, justement, autour de laquelle se structure l’ensemble de la société kanak avec, à sa base, le clan. Et à sa tête, le Grand Chef chargé de faire respecter l’ancestrale coutume. Au cœur de chaque clan, on trouve la Grande Case kanak, « l’antre social de la tribu », sorte d’équivalent au wharenui maori : autrefois lieu d’habitation des Grands Chefs, elle est aujourd’hui un lieu de rassemblement, d’échanges et de parole.
“Faire la coutume”
De même que les Maoris de Nouvelle-Zélande ont le Powhiri, rituel d’accueil ancestral, les Kanaks de Nouvelle-Calédonie pourront vous demander de « faire la coutume », rite de passage obligatoire pour être reçu dans le village. L’usage consiste à un geste d’offrandes réciproques entre le chef de clan et son hôte. Présentez-vous avec un présent symbolique enveloppé dans un petit morceau d’étoffe (« manou ») en signe de respect et d’humilité. Quelques francs CFP, un paquet de riz ou de tabac, par exemple, substituts « modernes » aux traditionnels échanges coutumiers d’igname ou de « monnaie » kanak, ce brin de laine décoré d’os de roussette, de coquillages ou de dents de baleine, symbole de l’ancêtre et du clan. Un don auquel le chef répondra par un contre-don et quelques paroles d’accueil, avant de vous inviter à pénétrer sur ses terres, parmi les siens.
Goûtez à la douceur de vivre kanak
Après avoir fait la coutume, vous voilà reçu chaleureusement et autorisé à partager la vie quotidienne de la tribu. Un quotidien qui s’écoule au rythme de la chasse, de la pêche… et de l’igname. Autrefois objet d’échanges coutumiers par excellence, il continue de jouer un rôle central dans la culture du peuple mélanésien. Aliment principal avant l’arrivée des Européens, ce tubercule sacré demeure un symbole de virilité et d’honneur, d’ancienneté et de pouvoir dont le cycle de plantation et de récolte rythme la vie du clan.
Le bougna, plat traditionnel
Vous pourrez notamment retrouver l’igname à la base du bougna, ce plat traditionnel, genre de ragoût de viande ou de poisson, accompagné de légumes – taro, patate douce, banane poingo, tomate… et igname –, le tout arrosé de lait de coco bouillant, enveloppé dans une grande feuille de bananier et cuit patiemment à l’étouffée dans un four de pierres chaudes. Tout un cérémonial pour un plat des plus conviviaux !
Autre institution néo-calédonienne incontournable : le kava, cette décoction amère à base de racines de poivrier au goût de réglisse. Un breuvage aux vertus relaxantes et bienfaisantes. Des effets que les Kanaks appellent le « chant du kava ». Les plus curieux pourront ainsi s’accorder une pause kava dans un nakamal, l’une de ces petites cahutes traditionnelles parfois signalées d’une loupiote jaune ou rouge. Des lieux de détente où, par-delà les peuples et les classes sociales, Kanak, Caldoches (Calédoniens d’origine européenne), métropolitains, Wallisiens et Futuniens aiment à se retrouver en fin de journée pour « lever un shell »…
Lors de votre voyage en Nouvelle-Calédonie, apprenez à vivre ainsi aux côtés et au rythme (paisible) des Kanaks, à suivre et comprendre les traditions de ce peuple nature et authentique, respectueux de son histoire et de ses ancêtres, de sa culture et de sa précieuse coutume…
Issue de la longue tradition artistique locale, la sculpture et la gravure occupent également une place de choix dans le cœur des polynésiens. Instruments, symboles de rites religieux ou représentant la mythologie de l’archipel : ces œuvres façonnées à la main racontent la Polynésie française.
Repères Nouvelle-Calédonie
Surnom : « le Caillou », « Kanaky » ou encore le « Pays »
Capitale (chef-lieu) : Nouméa
Nombre d’habitants : 271 030 habitants en 2021
Langues parlées : français + 28 langues kanaks et autres langues vernaculaires
Superficie : 18 519 km²
Densité : 13,2 habitants/km² (Nouméa : environ 2 100 habitants/km²)
Pour préparer votre voyage…
Des livres..
Jean-Marie Tjibaou – Une parole kanak pour le monde, Eric Waddell
Kanaké, Mélanésien de Nouvelle-Calédonie, Jean-Marie Tjibaou
Coutume kanak, Sébastien Lebègue
Cannibale, Didier Daeninckx
Et des films…
L’Ordre et la morale, Mathieu Kassovitz
Kanak, l’histoire oubliée, Stéphane Kappes
Crédits photos : ©Studio PONANT / Laure Patricot