La base scientifique internationale de Ny-Alesund
Ville minière, terre de chasse, de pêche et d’exploration polaire, Ny-Alesund est aujourd’hui devenue la communauté de recherche internationale la plus septentrionale au monde. Posée sur le 79e parallèle nord, à l’extrême ouest de l’île du Spitzberg, dans l’archipel du Svalbard en Norvège, cette base scientifique offre un accès unique à un précieux laboratoire polaire naturel.
De la communauté minière à la communauté scientifique
C’est à l’extraction de charbon que Ny-Alesund doit sa fondation officielle en 1916 par le Norvégien Peter Brandal et sa société minière Kings Bay Kull Company. La petite ville constitue alors l’un des centres majeurs de l’économie du Svalbard. Active et attrayante, elle suscite vite la convoitise de pêcheurs et chasseurs ainsi que de bon nombre de pionniers de l’exploration polaire pour lesquels Ny-Alesund constitue le point de départ rêvé pour… le pôle Nord ! C’est de là que le trio Amundsen, Nobile et Ellsworth décolleront à bord du dirigeable Norge. Ils seront les premiers, à 1h30 le matin de ce 12 mai 1926, à survoler le mythique point géographique. Mais l’exploration polaire ne sauvera pas Ny-Alesund de la faillite qui, suite à une série de tragédies mortelles, fait définitivement table rase de son passé minier avec l’ouverture en 1967 d’une station de télémétrie. Le début d’une nouvelle raison d’être pour cette ville du bout du monde, devenue depuis l’une des principales stations polaires de recherche internationale. Cette folle épopée de Ny-Alesund, un petit musée en retrace l’histoire sur place, de sa découverte à la fin du XVIe siècle à sa conversion en base scientifique, en passant par son quotidien de ville minière, entre photos d’époque, objets divers et témoignages.
Le Spitzberg, point névralgique du changement climatique
C’est un fait : l’Arctique se réchauffe deux fois plus vite que le reste du monde. Et l’île du Spitzberg, située à quelque 1000 km du pôle Nord, est l’un des endroits au monde où les changements climatiques en cours présentent la plus grande ampleur, avec une hausse de 3 °C de la température de l’air en moyenne sur les vingt dernières années. Un phénomène dû à ce que les experts appellent l’amplification polaire. Aussi la station de recherche de Ny-Alesund, située à 79°N dans la partie nord-ouest de l’île, sur la péninsule de Brøgger, apparaît-elle comme l’observatoire privilégié pour l’étude de l’avenir climatique de notre planète, ainsi que pour la recherche en sciences naturelles et la surveillance environnementale de l’Extrême-Arctique.
Les sentinelles du bout du monde
Sur cette base, ils sont une vingtaine de permanents en hiver, un peu plus d’une centaine en été : essentiellement des scientifiques venus des quatre coins du monde mais aussi des techniciens chargés à l’année du suivi des instruments de mesure et des logisticiens responsables de l’approvisionnement en nourriture, du chauffage, de l’électricité… La station est reliée à Longyearbyen, capitale du Svalbard, par deux vols hebdomadaires l’hiver, lorsque la météo le permet, et quatre vols hebdomadaires l’été. Avec 5 °C en moyenne à la belle saison, -16 °C au cœur de l’hiver et une nuit polaire de trois mois et demi, de la fin octobre à la mi-février, les conditions de vie y sont extrêmes. Mais, au-delà de l’expérience humaine hors du commun, c’est pour les équipes scientifiques en poste, véritables sentinelles du bout du monde, une opportunité exceptionnelle de surveiller, appréhender et expliquer les systèmes arctiques et leurs évolutions. Leur mission : contrôler au jour le jour ce fragile écosystème, mesurer et étudier l’impact environnemental de l’activité humaine au sein de ce poste avancé de l’Arctique et ainsi mieux comprendre, à l’échelle mondiale, les effets du réchauffement climatique.
Passionné par la photographie, j’ai effectué plusieurs voyages en Laponie finlandaise et suédoise. C’est à ce moment que j’ai subi le fameux « polar bug » : la passion pour les régions polaires, l’envie d’y retourner. En tant que chef de base à Ny Ålesund, je supervise les activités, que ce soit la maintenance d’instruments ou la logistique des campagnes. Si le site accueille plus d’une centaine de personnes en été, en hiver, nous ne sommes plus que quatre sur la base pour accueillir les scientifiques. C’est une vie en communauté, les échanges sont très enrichissants.
Un modèle de coopération internationale
Voilà plus de 50 ans que la Norvège soutient et développe la recherche polaire à Ny-Alesund, qui rassemble sans doute la plus internationale des communautés scientifiques du Svalbard.. Plus d’une dizaine de pays et vingt instituts y sont engagés dont trois occupés à l’année : l’Institut polaire norvégien, l’AWIPEV (l’Institut allemand Alfred Wegener et l’Institut polaire français Paul-Émile Victor), ainsi que l’Agence nationale norvégienne de cartographie. Cet ancien village de mineurs désormais entièrement dédié à la science offre ainsi des opportunités uniques de collaboration, facilitant des projets de recherche et d’observation interdisciplinaires à long terme. Une interaction organisée notamment autour de quatre thèmes majeurs : la recherche atmosphérique, la glaciologie, la biologie marine et les écosystèmes terrestres (végétation, animaux). Un comité, le Ny-Alesund Science Managers Committee (ou NySMAC), a par ailleurs pour tâche de renforcer la collaboration et la coordination entre les différents instituts de recherches. Créé en 1994, il comprend des représentants de toutes les parties impliquées sur la base. Et comme un symbole : en 1998, l’originelle société minière Kings Bay Kull Company devenait la Kings Bay AS. Rattachée au ministère norvégien pour le Climat et l’Environnement, elle a pour charge de gérer les infrastructures du village scientifique mais aussi de prendre soin de la communauté et ainsi faciliter la coopération. De quoi apporter un peu de chaleur dans ce monde polaire.
Crédits photos : © Studio PONANT
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