L’ouverture sur le monde d’une passionnée de toutes les gastronomies
Voyager, c’est découvrir un ailleurs avec tous ses sens. Pays de l’Est, Moyen-Orient, Afrique : Anne Coppin part à l’aventure à 20 ans, dans un camion chichement aménagé, à la rencontre des cuisines d’ailleurs. Après quelques années et de nombreux voyages, l’auteure de Happy World Food partage avec nous quelques souvenirs et sa vision d’une cuisine qui fait voyager. Rencontre.
Partir à l’aventure, ça veut dire quoi pour vous ?
L’aventure, c’est l’imprévu, ne pas savoir de quoi seront faits les prochaines heures ou les prochains jours. Et puis c’est l’inconnu, avec sa petite part de risque, à commencer par la probabilité que rien ne se passe comme prévu.
Le goût est-il le plus puissant moteur de vos souvenirs ?
En effet, suivi de près par l’odorat. Le fait qu’un souvenir olfactif soit complètement immatériel participe à cette magie. Le goût a également une dimension instantanée et éphémère qui participe à sa poésie. Et puis le cadre, l’état d’esprit influent beaucoup sur les perceptions, notamment gustatives.
Quand vous vous remémorez un endroit, un goût y est-il souvent associé ?
Oui, j’ai clairement des goûts qui me reviennent en mémoire quand je me souviens des moments marquants de ma vie. Je pense par exemple à mon premier voyage en Thaïlande, à l’âge de 12 ans. Les odeurs, les goûts que j’y ai découverts me reviennent souvent brutalement en mémoire lorsque je pense à ce pays.
Quel est votre plus vieux souvenir lié à un plat ?
Lorsque j’étais toute petite, ma grand-mère m’avait donné en cachette un calisson d’Aix. Je me rappelle, du haut de mes 2 ou 3 ans, m’être dit qu’il s’agissait de la meilleure chose que je n’avais jamais goûtée. Ma tante a reproché à ma grand-mère d’avoir donné cette confiserie « coûteuse » à une enfant qui ne pouvait en apprécier la délicatesse. Ma grand-mère lui a répondu qu’elle se trompait. Ce calisson a été un événement important dans ma vie, car j’ai réalisé la force des émotions gustatives. Le souvenir que j’en garde me fait encore monter les larmes aux yeux. C’est le lien entre la nourriture et l’amour, la bouche et le cœur, les saveurs et l’émotion.
Quelle est l’émotion la plus forte que vous ayez ressentie en dégustant un plat ?
Le premier chef étoilé chez qui je suis allée manger est Thierry Marx. Je garde un souvenir ébloui de ce dîner. C’est au cours de ce repas que j’ai ressenti l’une de mes émotions gustatives les plus fortes : une goutte rose, sur le bord de l’assiette, qui aurait pu être prise pour une simple décoration, mais dont une pointe de couteau provoquait des décharges exquises en bouche. Il s’agissait d’un concentré de pamplemousse : l’équilibre entre le sucré, l’acidité et l’amertume, si importante dans la cuisine asiatique, était atteint à la perfection.
Quel est le plat que vous préférez cuisiner ?
J’aime particulièrement cuisiner le tom kha kaï, la soupe de poulet au lait de coco. Ce plat symbolise l’équilibre parfait entre le velouté, le pimenté, le sucré et l’acidité. C’est toute la subtilité thaïlandaise qui est concentrée dans ce délice.
Votre ingrédient fétiche ?
J’aime par-dessus tout l’acidité : le citron est un aliment dont je ne me lasse pas. J’aime également le lait de coco, qui apporte un crémeux sans pareil.
Quelle est la qualité principale, pour être une globe-trotteuse amoureuse de la cuisine ?
Il faut être curieux, ouvert et prêt à la découverte. Tester de nouvelles choses, c’est être gustativement téméraire ! D’autant plus que le goût peut être un vrai moyen d’entrer en contact avec les gens. Le meilleur souvenir de voyage est souvent celui d’une invitation à partager un repas.
Peut-on partir à l’aventure en cuisinant, depuis chez soi ?
J’ai beaucoup réfléchi à cela, et je pense qu’on peut vraiment dépayser ses invités en cuisinant. Une recette authentique, une saveur surprenante, un parfum lointainement connu et l’on peut partir à des milliers de kilomètres, dans ses souvenirs ou dans ses rêves. D’autre part, il existe de vrais aventuriers culinaires, qui explorent des domaines inconnus et ont une curiosité naturelle pour les nouvelles saveurs. Dépoussiérer ses petites habitudes culinaires, c’est déjà un voyage !
À part déguster la cuisine locale, que préférez-vous faire quand vous êtes en voyage ?
J’aime visiter les marchés, qui sont des lieux de vie fabuleux, et passer du temps dans les cafés. Et je marche toute la journée, c’est mon activité préférée. En plus, ça me met en appétit !
Anne Coppin, Happy World Food, Umai Éditions.