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Francine Kreiss

« L’apnée est une porte vers la vie et l’éveil »

Elle a choisi une discipline où calme et contemplation guident chaque geste, chaque pensée. Entre émerveillement permanent et magnétisme bienveillant, l’apnéiste, reporter et photographe sous-marin Francine Kreiss partage volontiers à terre ou à bord lors des voyages PONANT, sa passion pour les profondeurs qu’elle tutoie.

Pourquoi avez-vous commencé à faire de l’apnée ?

Je suis à moitié dans l’eau et à moitié sur terre depuis le début de ma vie. Petite, j’étais fascinées par les rayons du soleil dans la mer, ça ne m’est jamais passé ! Je viens du sud-ouest de la France, où j’ai pratiqué le surf. Au début, l’apnée était un outil pour me sauver en cas de grosse vague. J’ai failli me noyer trois fois et j’ai compris qu’en étant relâchée sous l’eau, je gagnais des minutes de survie.  Et puis lorsque j’ai déménagé dans le sud-est : plus de vagues ! Je me suis donc mise à faire de l’apnée plus régulièrement.

N-100_RS_2_Antarctique_o011121_CDTCharcot┬®StudioPonant-Olivier Blaud

Comment êtes-vous devenue championne d’apnée ?

Je pratiquais dans un club où se trouvait Mifsud, le champion du monde, et j’y ai appris beaucoup. Vu que je faisais de bonnes performances, on m’a proposé de faire des compétitions. Je n’avais pas l’esprit de compétition, j’ai horreur de ça, mais on m’a alors expliqué que pour l’apnée, c’est autre chose, c’est « en famille ». Il n’y avait pas beaucoup de femmes et j’ai remporté des titres, surtout en apnée statique (flotter en apnée le plus longtemps possible sans bouger) et un peu en profondeur (descendre en profondeur le long d’un câble et remonter). Je suis allée jusqu’au championnat du monde par équipes en Egypte avec l’équipe de France, mais davantage par envie de voyager que pour gagner.

Est-ce que l’apnée est une façon de se couper du monde ou de s’y reconnecter ?

Pour moi, c’est une porte vers la vie et l’éveil, c’est un instant où on se coupe du monde, mais pas de la vie. Quand on est enfant, on prend masque et tuba pour aller chercher la couleur, les poissons et la vie. Dans l’apnée, il y a une notion d’urgence dans la lenteur : vous accédez à un instant exceptionnel, mais contrairement à la bouteille, vous ne pouvez pas rester. Chaque seconde où vous demandez à votre corps de tenir, c’est comme si vous lui disiez : « laisse-moi un peu de rêve encore ». Et vous remontez en vous disant : « j’espère qu’en redescendant, je vais revivre cet instant » – comme lorsqu’on se réveille et qu’on se demande si, en se rendormant, on va reprendre la suite du rêve interrompu.

C’est sans doute un poncif mais je pense qu’il faut garder son âme d’enfant sous l’eau. Ce qui me guide sous l’eau, c’est l’émerveillement continuel.

 « Championne du monde de bulles »

En 2011, un évènement original a rassemblé plongeurs en bouteille et apnéistes en Belgique dans la piscine qui était alors la plus profonde au monde afin d’établir le record du plus grand nombre de bulles. Francine est restée trois heures dans l’eau à s’amuser à faire les plus belles bulles et a battu le record : une belle occasion de désacraliser l’apnée !

Qu’est-ce que l’apnée vous apporte au quotidien ?

Qu’il vente, qu’il pleuve, qu’il fasse froid… je sais que quand je vais dans l’eau, je ne ressortirai pas dans le même état, qu’il y aura un apaisement. Même si ce n’est pas automatique. Je vais attendre une heure pour que la mer me prenne, me vide.

L’apnée est un instant à la fois d’introspection et de relâchement, c’est presque du yoga sous-marin. Je ne suis pas non plus très mystique, je vais sous l’eau car j’aime être au calme, pour la sensation souvent oubliée de sensualité par rapport à l’eau. Quand j’étais sur terre, adolescente, on me faisait faire du foot, pas de la danse ! Une fois sous l’eau, j’ai appris à être femme, à avoir des appuis, une élégance, à danser. Cela m’a permis d’être plus à l’aise sur terre, en ayant évolué sous l’eau. Les personnes qui me voient sous l’eau ont l’impression qu’il ne s’agit pas de la même personne.

Pour moi, l’apnée c’est devenu un outil très thérapeutique, et d’exploration. Comme on dit : on va sur la lune mais on ne sait toujours pas ce qu’il y a au fond des océans. C’est incroyable de se dire qu’on est dans la stratosphère des abysses.

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Comment décririez-vous ce monde abyssal ?

Quand on passe sous la surface, on « éteint » le bruit. Le silence est devenu un luxe énorme. Même sous l’eau, c’est devenu difficile d’en trouver ! Sous l’eau, c’est comme une cathédrale, il y a beaucoup de lumière, de silence, c’est très religieux finalement.

Sous l’eau, ce n’est pas « le monde du silence », on a un son poétique. Les sons des poissons qui tapent le corail, du clapot, du rythme de son propre cœur ou encore de celui du souffle dans le tuba contribuent à relâcher le cerveau. Le silence et le relâchement sont deux des bienfaits évidents de l’apnée. Je sais que lorsque je vais sous l’eau, j’en sors apaisée.

Quel est votre plus belle rencontre sous-marine ?

La plus poétique, c’est la rencontre avec la baleine à bosse et son petit qui est venu près de moi et reproduisait mes mouvements. Ce qui est très touchant, c’est que la baleine est énorme, mais elle a cette notion de l’espace pour ne pas vous heurter : elle lève la nageoire caudale pour vous laisser passer. Elle est d’une douceur et d’une bienveillance… Ça m’avait profondément touchée. Et puis son regard quand elle est passée… On voit l’origine du monde dans son œil. C’était bouleversant.

J’ai également rencontré un requin-tigre en Afrique du Sud. C’est la rencontre adrénaline. J’étais en train de faire un réglage à 26 m de profondeur, puis je lève la tête et je sens une ambiance bizarre, magnétique, et je le vois arriver. Il ne s’arrêtait pas. Pour la première fois de ma vie j’ai ressenti la peur musculaire. Je n’ai pas paniqué car la panique, c’est la mort. J’étais fascinée par le poisson, qui était noble ! Au dernier moment, il a tourné. J’ai pensé qu’il devait fonctionner comme cela. Il est juste venu voir qui j’étais, puis il est parti.

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Photographe sous-marine

Francine Kreiss fait aussi de la photographie sous-marine. Son parti pris : ne pas utiliser de lumière artificielle, pour montrer la vérité des mondes marins. « A 10 mètres, vous n’avez plus de couleurs, mais j’aime bien ce côté monochrome, il se passe des choses, c’est plus graphique ». L’apnée lui donne une vraie liberté pour évoluer au plus près de la faune marine, capter l’instant et trouver des angles inattendus.

Est-ce que ces passions vous ont poussées à un engagement particulier envers les milieux marins ?

Faire de l’apnée est un état qui nous transforme. Je peux passer plusieurs heures dans l’eau et en ressortir dans un état proche de l’animalité. Et puis, physiquement, on est dans le Vivant : dans l’eau, au contact de l’air, des rochers…

J’aurais de grandes ambitions de sauver la planète, comme tout le monde, mais je sais que ça commence par le fait de sauver le poisson devant chez moi. Je suis la présidente d’une association à Hyères, Explore & Preserve.  Nous ramassons notamment les plastiques sur les digues. C’est horrible car on fait cela pendant tout un week-end puis, en revenant sur le lieu deux semaines plus tard, on y retrouve la même chose, mais on continue, c’est un geste symbolique.

J’ai aussi fait une action en Corse avec l’association Water Family qui avait invité des sportifs de haut niveau. Le message était surtout de comprendre qu’en Corse, qui compte beaucoup de rivières, le déchet provient de la terre, des rivières. Une fois que le déchet est en mer, je dirais presque que c’est trop tard. C’est la partie émergée de l’iceberg.

Où plonger aux Seychelles  ?

Hors des sentiers battus, les Seychelles offrent aux explorateurs sous-marins de magnifiques fonds colorés et vivants. Francine Kreiss a notamment classé les eaux turquoise du banc de Saint-François, l’île d’Assomption et ses barracudas ou encore les rencontres avec les tortues marins aux alentours du vertigineux mur d’Astove parmi ses expériences favorites.

Quels conseils donneriez-vous pour s’initier à l’apnée  ?

L’apnée, c’est apprendre à ne plus respirer, et pour cela, il faut apprendre à respirer. On peut déjà apprendre à respirer par le ventre. Inspirer, bloquer, expirer devant un beau paysage, dans son jardin, devant une fleur : se concentrer sur l’instant. Ça permet d’évacuer la pression, parce que la meilleure apnée, c’est celle où on est le plus relâché. Et puis ensuite apprendre à se décontracter dans l’eau. On ne peut pas faire d’apnée si on est stressé, s’il y a du bruit. Chacun trouve son chemin pour y arriver, mais l’essentiel c’est d’arriver à se relâcher.

On peut s’initier en mer lorsqu’on fait de la randonnée palmée, ce qui est tout à fait accessible pour la plupart des gens : passer à la verticale et descendre un mètre ou deux pour découvrir une autre dimension. Rien que cette sensation de basculer sous la surface est très symbolique et importante.

Découvrez une interview de Francine Kreiss réalisée en 2020 lors de son voyage à bord de l’Energy Observer,  le premier navire à hydrogène. 

Crédits photos : © A. Maury, © F. Kreiss

Crédits video : © Energy Observer / J. Delafosse

Tourisme : Nouvelle-Calédonie, vue rapprochée sur le lagon turquoise avec l'île du pin en arrière plan

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