La banquise dans les pas d’Ole et Adam
Lors du voyage de repérage du Commandant Charcot au pôle Nord, les équipes étaient accompagnées de deux groenlandais, Ole Eliassen et Adam Eskildsen. L’objectif : faire découvrir la réalité de l’Arctique à travers les connaissances autochtones. Durant ce voyage, Ole et Adam ont ainsi ouvert aux guides les portes du royaume de la glace de mer.
De Kullorsuaq au Commandant Charcot
Ole Eliassen et Adam Eskildsen vivent au Groenland, dans le village de Kullorsuaq, qui signifie « le fameux pouce », rappelant la forme du pic montagneux qui surplombe la communauté. Kullorsuaq se trouve au nord de la côte ouest du Groenland, près d’Upernavik, dans la baie de Melville. Il compte environ 400 habitants, dont la majorité pratiquent encore la pêche et la chasse pour nourrir leurs familles, arpentant la banquise côtière une grande partie de l’année avec leurs chiens. Isolé des autres localités qu’ils ne peuvent rejoindre qu’en bateau ou par avion, lorsque les conditions le permettent, le village est l’un des plus traditionnels du pays. Des maisons colorées, une population jeune, beaucoup d’enfants, et comme terrain de jeu principal : la banquise.
En direct avec le Groenland
Qui aurait pu prévoir qu’Ole et Adam s’éloigneraient un jour aussi loin et aussi longtemps de Kullorsuaq ? Le pôle Nord, une aventure inimaginable pour les habitants du Groenland. Que savent-ils de ce territoire inaccessible ? Peu de choses, sinon que la glace y est maîtresse, que la zone est déserte, sauvage, inaccessible, inhospitalière, vide de vie. Atteindre ce point au sommet de la planète est une réalisation symbolique dans la vie d’un homme, un voyage presque initiatique. Même si atteindre le pôle Nord n’était pas un but en soi et que quitter leurs familles n’était pas chose facile, Adam et Ole ont saisi cette chance de partir à l’aventure et de faire de nouvelles rencontres. Pour garder le lien avec le village, les deux hommes ne se déplacent jamais sans leurs smartphones, branchés sur Facebook en continu, ce qui leur permet de partager en direct leurs aventures.
Des experts de la banquise
La banquise peut être un terrain dangereux. Pour les novices, il est presque impossible de discerner une banquise épaisse et sécuritaire d’une banquise poreuse et fragile. Les groenlandais ont développé un sixième sens, une aptitude à percevoir l’état de la glace de mer. Ils ont aussi construit des outils pour les aider, comme les tuut, ces longs bâtons auxquels ils ajoutent une lame en métal très solide, pour taper la glace et juger de sa dureté, localiser les zones de fragilité, et délimiter un périmètre sûr. Les conditions ne sont jamais les mêmes et une surprise est toujours possible, la vigilance et l’humilité sont les règles, soulignent Adam et Ole.
“ C’est lorsque tu te sens en sécurité sur la banquise, que tu commences à être en danger ”
(Adam et Ole)
90° N : une émotion partagée
Le matin du 6 septembre, Adam et Ole ont guetté comme les autres, en retenant leur souffle, la position GPS sur les écrans de la passerelle. Lorsque le Commandant a poussé un cri de victoire en atteignant 90 degrés Nord, que les officiers se sont tombés dans les bras, eux aussi ont ressenti la force du moment. Ce sont les yeux aux bords des larmes qu’ils ont partagé les étreintes et les célébrations avec leurs nouveaux camarades, conscients de la rareté de se trouver à cet endroit, et qu’avec ce voyage, ils entraient dans la grande histoire polaire. Nul besoin de parler la même langue pour partager la joie de ces grands moments.
Entre tradition et modernité
À bord du Commandant Charcot Adam et Ole multiplient les rencontres, les discussions, les échanges, participent à l’exercice de sécurité une fois au pôle, passant sans aucune difficulté la nuit dehors à guetter les ours autour du camp et à explorer les reliefs éloignés de la glace de mer. Le soir, ils profitent de la piscine chauffée du navire pour finir d’apprendre à nager, pour leur plus grand bonheur. En quelques jours, les deux amis se sont totalement intégrés. Ils ont appris des mots de français et enseigné en retour le groenlandais. Leur gentillesse et leur disponibilité ont illuminé le voyage d’une dimension humaine inattendue et révélé de réelles amitiés. Au moment du départ, les traditions se sont encore une fois rencontrées avec beaucoup d’émotion autour de chants marins et groenlandais et du présent symbolique des gants d’Ole en peau d’ours au Commandant.
Transmettre un patrimoine oral
Crédits photos : © Ian Dawson / © Nicolas Dubreuil / © Studio PONANT