Jean-François Clervoy, astronaute français

Et si la Terre était une île

Astronaute français, Jean-François Clervoy compte trois missions à son actif avec la NASA. Invité d’honneur d’une croisière aux Caraïbes en mars 2024, il partage avec Escales son expérience et son regard posé sur notre Terre, une île « bleue » suspendue dans l’espace.

Après l’Arctique et le pôle Nord, la mer des Caraïbes et les Antilles…

Dans les deux cas, il s’agit d’un seul et même océan. Certes d’un côté vous avez du froid, de la glace, de l’eau gelée en surface. De l’autre côté, une eau chaude aux innombrables nuances turquoise abritant une incroyable diversité sous-marine. Mais dans les deux cas, il s’agit du même élément fondamental du vivant sur Terre : l’eau ! Un élément qui, contrairement à ce que l’on pourrait penser, est rare sur Terre.

Et pourtant on parle de « planète bleue »…

Depuis l’espace, on voit énormément de bleu, c’est vrai. Pourtant, si l’on condensait toute l’eau terrestre – nappes phréatiques, lacs, rivières, océans, glaciers, calotte polaire… – en une seule et unique « boule d’eau », on obtiendrait une sphère d’environ 1 500 km de diamètre, soit environ dix fois plus petite que celui de la Terre. Et si l’on isolait de cette « boule d’eau » la partie « eau douce », on obtiendrait alors une nouvelle sphère de 300 km de diamètre. Et en isolant encore uniquement l’eau douce accessible aux humains pour cultiver, boire, se laver… il ne resterait qu’une petite bille de 60 km de diamètre à peine pour l’ensemble de l‘humanité. Autant dire que l’eau sur Terre est précieuse. De par sa rareté mais aussi parce qu’indispensable au vivant. Il faut en prendre soin, et ce dès la source des rivières !

© Howard Perlman, USGS; globe illustration by Jack Cook, Woods Hole Oceanographic Institution ; and Adam Nieman.

Avez-vous eu la chance d’observer cette région des Caraïbes depuis « là-haut » ?

Oui, c’est une région que l’on aime beaucoup photographier. Simplement, il faut penser à bien préparer son appareil photo à l’avance parce que ça défile très vite depuis là-haut. Nous faisons seize tours du monde par jour ! Autant dire que nous avons de quoi photographier les Antilles sous toutes les coutures. Une fois à la verticale, une autre légèrement en oblique de l’ouest, puis en oblique de l’est… Ce chapelet de perles au cœur du golfe du Mexique est bien connu de tous les astronautes pour ses incroyables variétés de couleur, ses lignes de côtes aux formes géométriques si caractéristiques.

Qu’appréciez-vous particulièrement lors de votre présence à bord d’une croisière PONANT ?

Les nombreux échanges avec les passagers. Que ce soit dans le cadre de conférences mais aussi, de façon plus informelle, dans les coursives du navire ou bien au restaurant, à l’occasion d’un repas partagé. C’est à chaque fois le plaisir d’apporter des réponses à leurs questions.  C’est aussi l’opportunité, lors d’excursions, d’en apprendre davantage, à l’écoute des experts et naturalistes PONANT. Elle est là, la force et la richesse de ces aventures, dans cet échange quotidien entre passagers, équipage et invités d’honneur.

En tant qu’astronaute, sur quels sujets aimez-vous sensibiliser les passagers ? 

On m’interroge souvent sur notre travail et l’organisation de la vie dans l’espace. Mais cela peut être aussi l’occasion d’évoquer l’émergence du tourisme spatial. Ou comment des non-professionnels accèdent peu à peu à l’expérience du vol dans l’espace, de la même façon que les passagers PONANT accèdent à celle de la navigation sans être nécessairement marins eux-mêmes. Et lorsque nous naviguons d’île en île, j’aime cette idée de considérer la Terre elle-même telle une île au cœur du cosmos. De faire ce parallèle entre les îles de l’océan, sur Terre, et les îles du cosmos, dans l’univers. Au-delà du clin d’œil, la comparaison me semble intéressante, tant d’un point de vue physique, géographique qu’en termes d’isolement, de limitation d’accès à certaines ressources ou encore de navigation. Voilà de quoi en tout cas inviter à la réflexion et à la discussion.

Crédit photo portrait de Jean-François Clervoy : Laurence Honnora

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