Destins croisés en Antarctique

L’aventure polaire : le dernier défi des grands explorateurs

Imaginez. Nous sommes à la fin du XIXe siècle. Thomas Edison vient de concevoir la première caméra pour le cinéma. Pionnier de l’aviation, Clément Ader entre dans l’Histoire avec ses premiers essais dans le ciel parisien. En mer, c’est la course à la Terra Incognita qu’est l’Antarctique, l’un des derniers territoires inexplorés de la planète. Si James Cook a franchi le premier le cercle polaire Antarctique en 1773, il n’a toutefois pas approché les côtes de ces terres méconnues et convoitées. Il en a donc conclu que la « Terra Australis » n’était qu’une légende.

Pour en avoir le cœur net, en ce début du XXe siècle, les États-Unis, mais surtout la vieille Europe, envoient leurs meilleurs explorateurs à la conquête du Continent Blanc. Parmi eux, le Britannique Sir Ernest Shackleton, et le Français Jean-Baptiste Charcot, contribuent à la découverte et à la connaissance de ce Sud légendaire, en prenant la tête d’expéditions devenues mythiques.

La mer pour passion

Le premier est surnommé « The Boss », le second, « Le gentleman des pôles ». L’un est capitaine de la marine marchande, l’autre est le fils du célèbre neurologue, Jean-Martin Charcot. Tous deux ont la mer pour passion. Ils aborderont le continent Antarctique respectivement en 1901 et 1903.

Le nom d’Ernest Shackleton restera toutefois dans les annales pour avoir permis à ses hommes de survivre 22 mois dans les glaces, lors de l’expédition Endurance, de 1914 à 1917. Le Britannique s’était lancé le défi de traverser le continent austral alors qu’il s’était fait devancer dans la conquête du pôle Sud géographique par le norvégien Roald Amundsen.

L’épopée de L’Endurance

Lors de cette épopée, Shackleton perd son navire, bloqué puis enseveli sous la glace. Il tente de mener son équipage, des vivres et trois gros canots de sauvetage d’une tonne chacun, jusque sur la mer libre, à l’extrémité de la péninsule Antarctique. Le but est de rejoindre ensuite la Géorgie du Sud, station baleinière où ils trouveront du secours. Seuls quelques hommes feront le voyage, laissant leurs compagnons sur la banquise. Il leur faudra plusieurs semaines, par des températures descendant jusqu’à -25°C, sur des eaux déchaînées et des terres inhospitalières, pour atteindre enfin leur but. Trois mois de plus seront nécessaires avant de retourner chercher le reste de l’équipage.

Une aventure scientifique

Quant à Jean-Baptiste Charcot, grâce à ses expéditions scientifiques en Antarctique financées en partie par l’Académie des sciences, le Muséum national d’histoire naturelle et l’Institut océanographique de Paris, il a contribué au relevé de milliers de kilomètres de côtes au sud de la péninsule antarctique, jusqu’aux abords de l’île Charcot. Il a amassé des dizaines de caisses de données météorologiques, hydrographiques et zoologiques. Il a mené des études sur les marées, la salinité et le magnétisme. Devenu un héros du pôle Sud, le “gentleman des pôles” retournera fréquemment sur le terrain, en Antarctique comme en Arctique, autant pour des missions scientifiques que de sauvetage. C’est de retour d’Islande que son fidèle trois-mâts, le Pourquoi-Pas IV, sombrera dans les flots. Son corps retrouvé, ses obsèques seront célébrées à Paris le 12 octobre 1936, après un hommage national.

Sir Ernest Shackleton périt en mer lors d’un nouveau voyage pour explorer les îles de l’océan Austral. Les voyageurs d’aujourd’hui peuvent lui rendre hommage sur sa tombe, en Géorgie du Sud, terre de ses exploits. De ces deux héros de l’exploration polaire, la postérité retiendra le courage et les qualités de meneurs dans des circonstances exceptionnelles.