Rencontre avec Daniel Cron, coordinateur scientifique à bord du Commandant Charcot
Malouin aventurier, officier marin formé à commander sur le pont, c’est finalement la « machine » qui lui donnera l’occasion de parcourir les mers et les océans lors de diverses expéditions scientifiques, notamment à bord du voilier océanographique de la Fondation Tara Océans, en tant que chef mécanicien, Daniel Cron s’est lancé aujourd’hui un nouveau défi en tant que coordinateur scientifique à bord du Commandant Charcot. Un poste parfait pour une mission à la mesure de sa vocation écologique, scientifique et pédagogique.
Naviguer pour étudier et protéger l’environnement
Lorsqu’il rejoint les rangs de l’ENSM, Daniel Cron projette de devenir commandant. Commandant de paquebot de croisière. Durant ses études, l’élève officier navigue sur Le Duc de Normandie puis Le Val de Loire. Affecté au « Pont » et « Machine », il assure des traversées quotidiennes entre la France et l’Angleterre. Jusqu’à ce jour où il voit passer une offre de l’Institut polaire français proposant de partir pour un an en Antarctique en tant que mécanicien. C’est ainsi que Daniel Cron embarque pour sa première expérience polaire, cap sur la station Dumont d’Urville ! Un hivernage de 12 mois pendant lesquels il a en charge la production d’énergie et d’eau douce de la base. Une expérience qui le bouleverse. « Cela m’a ouvert les yeux. J’ai réalisé toute la beauté et la fragilité de cette région, et combien il était primordial de la protéger. » Au contact des scientifiques, c’est le déclic.
Poursuivant son expérience polaire sur la station franco-italienne Concordia, il y entend parler d’un voilier qui, après une dérive arctique d’un an et demi (2006-2008), était sur le point de terminer son hivernage. À son bord, là encore, une équipe de scientifiques consacrée à l’étude du réchauffement climatique et son impact sur la banquise. Ce bateau, c’est le Tara, la goélette de Jean-Louis Étienne. Les yeux et le cœur qui pétillent, Daniel Cron inscrit son nom afin, il l’espère, de compter parmi l’équipage lors du prochain appareillage. Il foule le pont du Tara pour la première fois en 2009 en tant que chef mécanicien. Il n’en débarquera qu’en 2013, après un tour du monde et de l’Arctique. “Quatre années d’expédition incroyables ! J’y ai acquis une vocation écologique, une sensibilisation à l’environnement que je n’avais jamais eue auparavant. » Par la suite, Daniel Cron poursuit son exploration des mers et des océans à bord de « petits bateaux où l’on fait tout, où l’on s’entraide », du Bel Espoir au Plastic Odyssey en passant par le Why (Under The Pole). Il occupe des postes de Second, plongeur ou Capitaine, apprend beaucoup et transmet tout autant. Chaque escale est l’occasion de présentations scientifiques notamment auprès des plus jeunes. Partager, sensibiliser les autres, se nourrir de cette richesse humaine et culturelle, voilà ce qui l’anime. Aussi, lorsqu’il apprend l’ouverture d’un poste de « coordinateur scientifique » à bord du Commandant Charcot, sa candidature s’impose comme une évidence.
Coordonner la science, partager les connaissances
A bord du navire de croisière de haute exploration polaire de la compagnie PONANT, Daniel Cron gère l’ensemble du matériel embarqué à bord, accueille et coordonne les équipes de chercheurs venues en général pour une seule croisière, avec, à chaque fois, une problématique spécifique. « Il s’agit alors d’installer leurs équipements dans les laboratoires afin que tout fonctionne immédiatement, parfaitement et rapidement. Il faut être hyper réactif. » En parallèle des projets de science académique, Daniel Cron fait également le lien avec les passagers : visites des laboratoires, manipulations scientifiques « en public », ou encore organisation de conférences pendant lesquelles “les scientifiques prennent la parole pour évoquer en détail le sujet de leurs recherches. » Autant d’occasions de sensibiliser les passagers aux enjeux de la protection de l’environnement. « Mon travail est très dense, très stimulant ! »
Le sens de la science
Mais qui sont ces scientifiques invités à passer la coupée du Commandant Charcot ? Biologistes, géographes, océanographes, climatologues ou ethnologues, ils viennent des laboratoires, universités et instituts des quatre coins du monde : Institut polaire allemand Alfred-Wegener (AWI), CNRS, Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER)… « Les Américains commencent également à montrer leur intérêt. » Mais à raison de quatre scientifiques par croisière, les places sont rares. « Tous les créneaux sont d’ores et déjà attribués pour l’année 2022. »
C’est l’association européenne ARICE (Arctic research icebreaker consortium), qui diffuse l’appel à projets du PONANT Science, passe en revue et évalue les différentes propositions des chercheurs. Parmi ceux déjà mis en œuvre sur Le Commandant Charcot depuis novembre 2021, citons une étude de la pollution plastique des océans, une évaluation du rôle du réchauffement climatique et de l’eau de fonte des glaciers sur l’élévation du niveau d’oxygène des océans ou encore l’analyse du comportement des baleines à bosse.
« Le Commandant Charcot offre à ces scientifiques l’opportunité rare de sillonner des routes maritimes pas ou très peu empruntées. Voire même d’y revenir. De quoi leur permettre d’établir des relevés sur le long terme et ainsi de dégager de véritables tendances. C’est précieux ! »
Daniel Cron est en permanence aux côtés des scientifiques, de jour comme de nuit, leur assurant toute la souplesse nécessaire à la conduite de leurs recherches. « Les scientifiques qui nous rejoignent sont enchantés, s’enthousiasmant même de voir leurs objectifs dépasser leurs espérances. C’est important pour nous. » Et souvent les passagers l’ignorent mais parmi eux se « cachent » des sommités de la recherche internationale.
Parti de zéro à un poste créé ex nihilo, Daniel Cron se montre donc aujourd’hui plus que satisfait : « Ce poste de coordinateur scientifique a du sens pour moi. Nous sommes attendus par la communauté scientifique et devons montrer une image d’exemplarité en cherchant à faire de la science de haute qualité. Les passagers, eux, y montrent déjà un intérêt réel et concret. » Que ce soit dans la collaboration entre scientifiques et marins ou dans la transmission auprès du public, le coordinateur scientifique semble avoir trouvé sa place à bord du Commandant Charcot et au cœur de son projet, entre recherche scientifique d’excellence et sensibilisation citoyenne. Pari brillamment relevé !
Tara, le parcours d’un mythe
Antarctica, c’est le nom que l’explorateur Jean-Louis Étienne avait choisi lors du premier lancement, en 1989, des deux mâts de sa célèbre goélette. Un voilier de légende taillé pour la glace, destiné à se laisser emprisonner et dériver dans la banquise. À son bord, deux laboratoires, un « humide » et un « sec », ainsi qu’un treuil océanographique. Racheté et rebaptisé une première fois – Seamaster – en 1996 par le navigateur néo-zélandais Peter Blake, ce navire unique au monde poursuit sa route depuis 2003 sous les couleurs françaises d’Agnès b. et sous le nom de Tara, « héroïne » de la Fondation Tara Océan. Véritable laboratoire flottant dans lequel se sont déjà succédé des centaines de scientifiques, la goélette glisse ses 36 mètres de long sur les mers et les océans du globe à la découverte des fonds marins et au bénéfice de leur protection. Un navire unique au monde au service de la science de l’océan.
Crédits photos : © D. Buiron / © J. Fabro / © Studio PONANT-Olivier Blaud
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