Carnets de voyage et ligne d’horizon
L’artiste peintre-carnettiste Vivi Navarro a fait du voyage en mer, de la traversée et de l’horizon ses lignes de fuite de prédilection. Elle embarque avec PONANT pour une navigation sans escales entre Lisbonne et Buenos Aires pour mieux partager sa passion pour « la vie embarquée ».
Comment le voyage est-il entré dans votre vie ?
Petite, j’avais déjà une attirance viscérale pour l’immensité de la mer. Adolescente, je traçais des voyages imaginaires sur des atlas et j’écrivais des “chroniques” tout aussi inventées. Je ressentais une envie farouche de partir. Un père passionné d’explorateurs, d’aventures, de géographie, des racines andalouses “nomades” : autant d’éléments qui ont peut-être contribué à développer en moi cette passion de l’ailleurs, de la découverte, du mouvement. À 13 ans je dessinais et je savais ce que je voulais : étudier en école d’art, pour plus tard, naviguer, écrire, dessiner. Sept ans d’études aux Beaux-Arts, dont trois en section technique et scientifique, sont encore aujourd’hui un solide bagage.
Une traversée sans escales, c’est un voyage « différent » ?
La mer est un lieu de poésie totale et les traversées sont inspirantes à bien des niveaux. Pour certaines personnes elle permet l’introspection. Elle apprend à se connaître, à prendre conscience de l’éloignement, de l’absence aussi, de l’immensité. Les repères espace-temps sont différents.
L’immensité et l’océan, une source d’inspiration intarissable pour vous ?
Oui, l’océan, les trains de houle, le mouvement, les couleurs, les incendies dans le ciel au point du jour avec des nuages frangés qui brûlent, ou d’autres qui semblent organisés à l’infini. Mais ce qui m’inspire le plus, c’est le bord, le navire. Je préfère observer un lever ou un coucher de soleil sur le pont plutôt qu’essayer de le restituer dans mon carnet. Je ne veux pas peindre la mer par peur de lui être infidèle sur la page, je l’aime trop !
Le monde du bout du monde… une expression qui résonne en vous ?
Je suis viscéralement happée par la ligne d’horizon que jamais l’on atteint. La mer fait le tour du monde, va au bout du monde, relie les continents entre eux, donc les hommes, c’est merveilleux. Plus je travaille, plus la créativité prend des chemins insoupçonnés.
D’où vous vient votre passion pour les carnets de voyage ?
Le carnet arrive sans crier gare dans le parcours, le goût d’écrire, surtout de décrire le monde. Le carnet est un condensé de toutes les libertés techniques. Je travaille beaucoup sur des supports qui ont vécu, cartes marines, voiles, livres de bord, plans, supports imprimés tels que des agendas. Je prépare aussi des fonds. La matière est présente, palpable. J’aime aussi la page blanche, elle ne me fait pas peur. Quant à mes livres édités, je fais la mise en page de A à Z, l’infographie me passionne, je travaille également au crayon graphique. Les nouveaux outils mixés aux techniques classiques ouvrent le champ de nombreux possibles.
Un souvenir de voyage que vous aimeriez partager ?
Puisqu’il faut en choisir un : en Atlantique, à bord du cap-hornier russe Kruzenshtern. Assise à même le pont, j’avais chaud, une légère houle n’avait pas raison de la stabilité du quatre-mâts barque, les cadets grattaient des poulies, d’autres répétaient des pas de danse pour le spectacle du soir, les boscos jouaient aux dominos. J’étais là où je devais être. La splendeur de ce cap-hornier me donnait le vertige de l’amour.
Que vous inspire ce voyage PONANT entre le vieux et le nouveau monde ?
Un nouveau parfum d’aventure, d’inconnu, de défis à relever. L’idée du passage de la Ligne m’enchante. Je n’ai encore jamais passé cet équateur à équidistance des pôles. La traversée de l’Atlantique pose questions, et elle est porteuse de rêves bien sûr. 20 jours de mer vont passer comme l’éclair, le paradoxe c’est que naviguer est l’éloge de la lenteur… Mais aussi et surtout, il y aura les rencontres avec l’équipage, les passagers, les liens que nous allons tisser lentement.
Quelles expériences proposez-vous aux passagers ?
Ils auront l’opportunité de réaliser leur carnet de voyage, pourront expérimenter plusieurs médiums. Je vais leur apprendre à regarder pour mieux voir leur environnement, dans sa globalité comme dans les petits détails. J’aborderai avec eux certes les fondamentaux du dessin, mais nul besoin d’être un cador pour réaliser un beau carnet de voyage. La couleur, les mises en pages audacieuses, le trait, le collage vont émerger au fil des pages, des milles marins, selon les personnalités de chaque participant. Nous serons un équipage dans l’équipage, et le carnet sera matière à discussions. L’idée est aussi de sensibiliser à la vie embarquée et ce qu’elle a de plus beau en termes de valeurs humaines : solidarité, humilité, fiabilité, réactivité.
Un message à transmettre aux passagers ?
S’enrichir de cette initiation, apprendre, se décontracter, venir avec le sourire, ne jamais perdre de vue que c’est un apprentissage sur un temps donné, un loisir, que l’on est là pour se faire plaisir, ne jamais baisser les bras et se sous-estimer. Je garantis que tout le monde en est capable. Je caresse l’espoir qu’après cette traversée, les passagers soient piqués au carnet de voyage !
Crédits photos : Vivi Navarro