Le cinéma est un voyage
Partir à la rencontre de l’autre, explorer de nouvelles contrées, de nouvelles expériences, de nouvelles sensations… Voilà ce qui anime le réalisateur Patrice Leconte, insatiable curieux et invité d’honneur sur une croisière en Méditerranée en mars 2024. Pour Escales, il partage avec vous ce que lui inspire le voyage.
Quel lien faites-vous entre les voyages et le cinéma ?
Ce que j’aime le moins, c’est tourner chez moi, à Paris. Enfin, façon de parler puisque j’ai grandi à Tours. Mais j’ai ce goût des films capables de vous emmener ailleurs. J’adore voyager, l’itinérance… Le plus « voyageur » de mes films reste sans doute La Fille sur le pont (avec Vanessa Paradis et Daniel Auteuil, ndlr). L’histoire débute sur la passerelle Debilly, un pont pour piétons à Paris, et se termine quelques milliers de kilomètres plus loin, sur le pont de Galata, à Istanbul. Entre les deux, un autre pont, celui d’un bateau de croisière. Je garde de ce tournage sur le bateau un souvenir absolument incroyable. Nous avions embarqué à Venise pour terminer dans le détroit du Bosphore, en passant par la Grèce et Le Pirée. C’était merveilleux.
Le voyage, les vacances sont des thématiques souvent présentes dans vos films… En quoi vous inspirent-elles ?
La perspective des vacances, cela fait toujours rêver, non ? Être en vacances, être vacant, c’est se laisser surprendre, se laisser vivre, vivre autrement. C’est explorer des paysages nouveaux, aller à la rencontre de l’autre. L’idée même des vacances, avec un grand « V », c’est la promesse d’un éternel renouveau et c’est évidemment très inspirant.
Sinon, qu’est-ce qui met généralement du vent aux voiles de votre créativité ?
Je n’ai jamais commencé un film en me disant « voilà un sujet qui m’intéresse ». Par contre, je suis captivé par la notion de rencontre. Faire se rencontrer des personnages qui, peut-être, dans la vraie vie, ne se seraient jamais rencontrés. La rencontre est un point commun à quasiment tous mes films. Sans doute parce que moi-même, j’aime partager, discuter, échanger.
On retrouve dans votre cinéma cette volonté d’explorer de nouveaux territoires…
L’une des pires choses au monde, c’est l’ennui. La question n’est pas d’en avoir peur, je n’ai jamais peur de m’ennuyer, mais j’ai toujours la hantise d’ennuyer éventuellement les spectateurs qui me feraient l’amitié d’aller voir mes films. D’où cette obsession chez moi de toujours faire des choses différentes, de m’écarter d’un chemin que l’on s’imagine parfois tout tracé. J’adore me lancer dans des projets sans être sûr de savoir faire. Bien sûr, il y a une part de doute, on reste à l’affût de ce qui pourrait éventuellement faire dérailler les choses. Mais entreprendre de nouvelles aventures dans la vie, je trouve cela très motivant. Cela évite de s’endormir.
Réaliser ou visionner un film, c’est aussi une manière de voyager ?
En tant que réalisateur, j’ai toujours le goût de faire des films qui nous parfument la vie. Des films qui, le temps d’une projection, nous font tout oublier pour nous emmener ailleurs. Un ailleurs géographique, sensoriel, peu importe… Puis on ressort de la salle de cinéma, on retrouve la rue, la vie, le quotidien mais avec en soi ce petit quelque chose en plus qui nous a fait partir loin.
Si le voyage vous inspire, comment déterminez-vous vos lieux de tournages ?
C’est souvent le voyage en lui-même qui nous les impose finalement. Pour La Fille sur le pont, les lieux de tournage nous sont apparus au gré de notre périple de Paris à Istanbul, de la passerelle Debilly au pont de Galata. C’est un film itinérant pour lequel nous avons beaucoup itinéré ! La Fille sur le pont est un film qui ne cesse de nous emmener toujours plus au Sud. Il nous a fallu trouver le navire en mesure de nous emmener pour ce long voyage. Trouver l’itinéraire idéal, et donc les décors, pour descendre vers le Sud, vers le soleil, vers d’autres contrées, d’autres paysages.
Tourner sur un navire, sur la mer, c’est quelque chose de particulier ?
Pas vraiment. On est en mouvement, c’est vrai, mais il s’agit plus d’une mobilité statique. Il y a cette lenteur très agréable. Dans un train par contre, où il m’est aussi arrivé de tourner, le mouvement est évidemment bien plus perceptible. Il y a cette urgence à tourner avant les arrivées en gare. Les tournages prennent des allures d’épreuves chronométrées. Tourner sur un navire de croisière, c’est autre chose. C’est travailler et vivre au même endroit. Le tournage de la journée terminé, quelques pas de côté nous suffisaient pour basculer dans nos vies privées respectives. Le navire était suffisamment grand pour pouvoir s’isoler, se croiser dans les coursives, se retrouver au bar ou au restaurant. C’est une sensation très particulière que de vivre dans le décor de son film.
Ce tournage de La Fille sur le pont vous avait donc emmené au cœur de la Méditerranée. Est-ce une région particulière pour vous ?
Enfant, j’ai passé mes grandes vacances sur les plages de Normandie… D’où mon goût sans doute pour toujours filer vers le Sud. Et la mer Méditerranée a ceci de charmant et d’attirant qu’elle est une promesse de dépaysement tempéré. Le Sud, le soleil, la diversité des paysages, les tee-shirts… C’est irremplaçable.
Quel voyageur êtes-vous ?
J’adore voyager mais je déteste voyager seul ! Ne pas pouvoir partager ce que l’on voit, ce que l’on ressent, c’est terriblement frustrant. Mais avec mon épouse, nous avons pas mal voyagé. Je garde un souvenir ébloui du Bhoutan. J’ai adoré voyager en Birmanie, où l’on ne peut plus se rendre malheureusement. Je me souviens d’une montée en montgolfière au-dessus de Bagan, au coucher du soleil. Un moment hors du commun et du temps. Sinon, un souvenir plus maritime, le Panama ! Le spectacle de son canal, c’est quelque chose d’incroyable. En fait, il n’y a pas de destinations dont je sois revenu déçu. J’ai toujours trouvé de quoi m’émerveiller. Il y a tellement d’endroits à découvrir. À tel point que je rechigne parfois à l’idée de retourner dans un endroit que je connais déjà. Je me dis qu’on ne pourra pas être aussi émerveillés que la première fois.
Quel est votre prochain voyage ?
Il m’est souvent arrivé d’aller seul au Japon présenter des films. J’aimerais beaucoup y retourner mais avec ma femme cette fois-ci. Pour justement pouvoir partager avec elle ce pays et cette culture. Sinon, prochainement, direction le Laos, sur les conseils de notre fille cadette qui en est revenue enthousiasmée.
Crédits photos : tournage du film La fille sur le pont, avec Daniel Auteuil et Vanessa Paradis. Photos issues de la collection personnelle de Patrice Leconte. ©Catherine Cabrol.
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